Le Sénégal ne montera pas sur le podium de l’Afrobasket 2025. Une quatrième place amère pour les Lionnes, battues en demi-finale par le Nigeria (semé d’une grosse polémique arbitrale), puis surprises par le Soudan du Sud lors du match de classement (65-66). Un double revers qui remet sur la table une interrogation légitime : l’objectif de remporter le trophée était-il réaliste ou tout simplement prématuré ?
Une ambition affichée dès le départ
Lors de la cérémonie de remise de drapeau, le président de la Fédération Sénégalaise de Basketball, Me Babacar Ndiaye, ne laissait planer aucun doute : « Cette année, l’Afrobasket revêt une importance particulière parce qu’on a l’obligation de gagner. » Un objectif clair, net, tranché. Presque martial.
Mais derrière cette ambition, une réalité sportive peut-être sous-estimée : celle d’un groupe profondément renouvelé, rajeuni, qui entamait à Abidjan une phase de reconstruction.
Une équipe en chantier
Sur les 12 Lionnes présentes à l’Afrobasket, seules cinq avaient déjà participé à une telle compétition : Yacine Diop, Fatou Pouye, Madjiguène Sène, Mathilde Diop et Cierra Dillard. Le reste ? De jeunes talents prometteurs, certes, mais novices à ce niveau : Ndioma Kane, Victorine Thiaw, Néné Awa Ndiaye, Khadija Faye… Autant de joueuses qui découvrent la pression du haut niveau africain, ses exigences, ses pièges, a remarqué Senego.
L’entraîneur Otis Hughley Jr, nommé il y a juste un an, n’a eu qu’une trentaine de jours de préparation de l’Afrobasket avec ce groupe. Avant le tournoi, une seule compétition à leur actif : le tournoi de Kigali. Trop court pour forger des automatismes, construire une cohésion solide, ou instaurer une véritable identité de jeu.
Lui-même l’a reconnu en conférence de presse après la défaite face au Soudan du Sud : « C’est une nouvelle équipe. Neuf de nos joueuses n’avaient jamais joué un Afrobasket. Le Nigeria, le Mali sont des groupes plus expérimentés. » Et d’ajouter : « Ne blâmez pas les joueuses, blâmez-moi. Mon avenir ? Ça dépend de la Fédération, car je construis un projet. »
Une ambition en contradiction avec le projet ?
Ce discours du coach américain tranche avec celui de la fédération. Dès sa première conférence de presse en juillet 2024, Otis Hughley Jr se voulait réaliste : « On va gagner, mais cela va se faire au fil du temps. Il faut leur donner du temps. Il n’y a pas de potion magique. Il faut passer par l’échec. » On est loin du « gagner ou rien » brandi par les autorités fédérales.
Comment, dès lors, concilier projet de reconstruction et objectif immédiat de victoire ? Ne fallait-il pas d’abord laisser ce groupe apprendre, se structurer, grandir, avant de lui fixer une obligation de titre ?
Une pression contre-productive ?
En observant les matchs du Sénégal, un constat saute aux yeux : une équipe souvent fébrile par moments, en manque de confiance surtout dans les moments-clés. Face au Nigeria, malgré un engagement remarquable, les Lionnes se sont écroulées dans les ultimes instants, a constaté Senego. Face au Soudan du Sud, la crispation était encore plus flagrante : mauvais choix, balles perdues, manque de lucidité…
Et si cette pression d’un objectif trop élevé avait affecté la confiance des joueuses ? « L’esprit de combativité est déjà une victoire », a tenté de nuancer Me Ndiaye. Mais peut-on réellement demander à une génération en apprentissage de porter aussi tôt le poids d’un sacre continental ?
Quelle suite pour Otis Jr et les Lionnes ?
L’avenir d’Otis Hughley Jr reste incertain. « Ça dépend de la fédération », a-t-il déclaré. Ce qui est certain, c’est que le projet est lancé. Et qu’il mérite d’être consolidé sur le long terme. Car si le Sénégal veut vraiment « redevenir numéro un », comme l’ambitionne le coach, il faudra sans doute accepter une période de transition… et de patience.
Fallait-il fixer la coupe comme objectif ? Peut-être pas.
Fallait-il plutôt poser les bases d’un cycle nouveau, assumer une phase d’apprentissage et viser 2027 ? Sans doute.
Le potentiel est là. Les talents aussi. Reste à bâtir sans précipitation… et à apprendre de cet échec, comme l’a justement rappelé Otis Jr : « Il y a un prix à payer. »
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